Lorsqu’une lésion professionnelle atteint un plateau de récupération, votre médecin traitant doit informer la CNESST de deux (2) éléments, à savoir :
- si la lésion professionnelle a occasionné un dommage corporel ou psychique permanent (ce qu’on appelle communément une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique (ci-après « APIPP »)); et
- si cette APIPP vous empêche d’accomplir certaines activités, gestes ou mouvements (ce qu’on appelle communément des limitations fonctionnelles).
Ces deux notions (APIPP et limitations fonctionnelles) sont distinctes, mais également intimement liées.
D’une part, lorsqu’un travailleur conserve une APIPP suite à sa lésion professionnelle, la loi prévoit le versement d’une compensation monétaire. Il n’existe pas d’indemnité équivalente pour la reconnaissance de limitations fonctionnelles. Pour déterminer le montant de l’indemnité qui sera versée, l’atteinte permanente doit d’abord être évaluée d’un point de vue médical.
Votre médecin traitant décrit donc à la CNESST l’état de votre condition physique ou psychique suite à la lésion professionnelle, c’est-à-dire qu’il précise ce qui subsiste ou ce qui a été perdu. Ensuite, le médecin utilise le Règlement sur le barème des dommages corporels (ci-après « le Barème ») pour transposer les séquelles identifiées en pourcentage d’incapacité. Il ne peut pas accorder un pourcentage plus élevé que ce que le Barème prévoit. C’est ce pourcentage identifié qui permettra finalement à la CNESST de calculer l’indemnité monétaire.
D’autre part, les limitations fonctionnelles représentent la manifestation de vos séquelles au quotidien. Autrement dit, il s’agit des difficultés pratiques que vous conservez lors de l’accomplissement de certains gestes. L’identification des limitations fonctionnelles, c’est-à-dire, l’identification des mouvements que vous devez éviter de faire, vise à prévenir la survenance d’une rechute, récidive ou aggravation.
Pour votre dossier CNESST, l’identification des limitations fonctionnelles est une question de première importance. En effet, vous devez savoir que la CNESST se base principalement sur les limitations fonctionnelles (et non pas sur APIPP) pour déterminer si vous êtes apte à reprendre votre emploi habituel. Ainsi, pour qu’on reconnaisse que vous n’êtes bel et bien pas en mesure d’occuper votre emploi, il est essentiel que les limitations fonctionnelles reconnues par la CNESST représentent adéquatement vos restrictions dans la vie de tous les jours.
Entrons maintenant dans le vif du sujet. Est-ce possible que la CNESST reconnaisse des limitations fonctionnelles tout en n’attribuant aucune atteinte permanente?
Le Barème est conçu pour indemniser un déficit anatomo-physiologique et/ou un préjudice esthétique et ce n’est qu’en présence de l’un d’eux qu’un pourcentage additionnel pour les douleurs et la perte de jouissance de la vie sera reconnu. La présence de douleur n’est pas suffisante, à elle seule, pour objectiver une atteinte permanente. Autrement dit, lorsqu’une atteinte permanente est évaluée à 0%, le travailleur ne recevra pas d’indemnité même s’il conserve de la douleur.
Toutefois, la douleur est un indice de difficulté à effectuer certains mouvements. Dans ce contexte, l’octroi de limitations fonctionnelles ne serait pas subordonné à l’existence de séquelles compensables par le Barème. Ainsi, le travailleur qui n’a pas d’APIPP peut tout de même se voir reconnaître des limitations fonctionnelles si la preuve médicale démontre l’existence de douleurs restreignant la capacité à accomplir normalement certaines activités.
En jurisprudence, il est également répandu de reconnaître des limitations fonctionnelles en l’absence d’atteinte permanente lorsque celles-ci sont d’ordre préventif. En effet, lors de la détermination de limitations fonctionnelles, il faut tenir compte de la situation propre à chaque travailleur et évaluer sa vulnérabilité. Par exemple, lorsque le travailleur a des antécédents de lésions similaires au même site ou lorsque le travailleur présente une condition personnelle sous-jacente, il est pertinent de reconnaitre des limitations fonctionnelles pour éviter d’éventuelles récidives. Dans un tel cas, les limitations fonctionnelles ne font pas directement référence à une incapacité du travailleur, mais plutôt à sa fragilité découlant de la lésion professionnelle. Ceci étant dit, bien que préventives, pour être reconnues les limitations fonctionnelles doivent avoir un caractère permanent.
En résumé, les limitations fonctionnelles peuvent découler de la difficulté ou de l’impossibilité physique à poser certains gestes, mais aussi de la nécessité de ne pas poser ces gestes pour éviter une rechute, récidive, aggravation. Il s’agit alors d’une incapacité du travailleur à supporter sans douleur ou sans risque certains mouvements.
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