Lorsque le décès d’un travailleur est attribuable à une lésion professionnelle, la CNESST est tenue de verser certaines indemnités au conjoint survivant pour lui assurer une certaine sécurité financière. En effet, l’objectif de ces indemnités est d’éviter que le décès du travailleur entraîne une réduction soudaine et considérable des revenus familiaux.
Plus précisément, les indemnités payables au conjoint survivant incluent : une indemnité forfaitaire dont le minimum s’élevait à 105 042 $ en 2016 ET une indemnité mensuelle. L’indemnité mensuelle équivaut à 55% de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur aurait eu droit. Cette indemnité est versée pour une période s’échelonnant entre 1 et 3 ans et elle ne peut être supérieure à 2 307,92 $ par mois.
Pour empêcher les subterfuges et pour venir en aide uniquement aux véritables conjoints, la loi a prévu certains critères pour encadrer cette notion. Ainsi, à la date du décès du travailleur, le conjoint se trouve à être la personne qui :
- est liée au travailleur par un mariage ou une union civile et qui cohabite avec lui;
OU
2. vit maritalement avec le travailleur, qu’elle soit de sexe différent ou de même sexe, et :
a) qui réside avec lui depuis au moins 3 ans ou depuis 1 an si un enfant est né ou à naître de leur union; et
b) est publiquement représentée comme son conjoint.
Vous devinerez que les débats devant les tribunaux peuvent facilement survenir lorsque le conjoint survivant se voit refuser le titre de conjoint et par le fait même le droit aux indemnités de décès de la CNESST.
Dans l’affaire Gosselin[1], la travailleuse habitait avec son conjoint depuis 2 ans, 6 mois et 23 jours. Auparavant, elle résidait dans la maison de sa grand-mère. Le fait qu’elle dorme chez Monsieur Gosselin environ trois ou quatre soirs par semaine, que la décision d’habiter ensemble était prise plusieurs mois avant leur déménagement et le fait qu’il hébergeait ses chats ne sont pas suffisants pour conclure qu’il existe une résidence commune avant leur déménagement. Ainsi, le tribunal conclut que Monsieur Gosselin ne se qualifiait pas de conjoint au sens de la loi.
Dans l’affaire Grondin[2], le travailleur et sa conjointe s’étaient divorcés en 1999 après avoir donné naissance à deux enfants. Dix ans plus tard, en avril 2009, ils ont repris la vie commune. Toutefois, puisque le travailleur est décédé moins de trois ans après avoir repris la vie commune, la CNESST a refusé que sa conjointe reçoive les indemnités de décès. Heureusement, le tribunal a reconnu qu’il fallait aller au-delà de l’interprétation littérale du texte de loi. Il faut plutôt considérer le contexte de la loi et son objectif de réparation des conséquences d’une lésion professionnelle tant pour le travailleur victime que pour ses bénéficiaires. Le tribunal a donc infirmé la décision de la CNESST et il a reconnu que la requérante avait droit aux indemnités de décès.
Dans l’affaire Nerdjar[3], le travailleur et sa conjointe étaient mariés, mais la CNESST a refusé de reconnaitre le droit aux indemnités de sa conjointe au motif qu’elle ne cohabitait pas avec le travailleur. Elle résidait en Algérie au moment du décès. Le tribunal a rappelé que la notion de cohabitation n’est pas définie à la loi. Il s’agit d’une question de fait qui doit s’apprécier en fonction des habitudes particulières des personnes concernées. Le fait que les époux n’habitent pas sous le même toit ne permet pas de rejeter automatiquement l’existence d’une cohabitation. En effet, il faut analyser d’autres indicateurs tels que la véritable intention des époux dans le maintien d’une relation conjugale, la notion d’aide entre les époux et la contribution d’un des époux à la subsistance de la famille, etc. En l’espèce, l’éloignement physique résultait d’une situation qui n’était pas entièrement sous le contrôle des époux. Malgré l’éloignement physique, leur comportement permet de conclure que l’intention de cohabiter était toujours présente. Ainsi, le tribunal a reconnu que Madame se qualifiait pour le titre de conjointe du travailleur décédé.
En résumé, vous aurez compris qu’il n’est pas possible de s’improviser le conjoint d’un travailleur décédé. Advenant le cas malheureux où une lésion professionnelle aurait causé le décès de votre conjoint, nous devinons que se voir refuser le titre de conjoint par la CNESST peut être une situation bouleversante. Si cette situation devait vous arriver, nous serons disponibles pour répondre à toutes vos questions.
L’information contenue dans cette infolettre peut être de nature juridique, mais ne constitue pas un avis juridique.
[1] Gosselin et Hardy, 2014 QCCLP 4356
[2] Grondin (Succession de) et Distributions Marc Boivin inc. 2012 QCCLP 4823
[3] Nerdjar (Succession de) et Agence de personnel Império inc. 2009 QCCLP 2921