Par Me Marianne Dessureault, Journal le Métro, 14 février 2018
En juillet 2016, la Cour suprême du Canada a rendu jugement dans l’affaire Jordan estimant qu’au-delà d’un certain délai, soit 18 mois pour un procès criminel au provincial, un arrêt des procédures pouvait être demandé selon les droits prévus à la Charte canadienne. Les délais de procédures en droit administratif s’étirant aussi, est-il possible d’utiliser ce même plafond temporel à votre avantage dans vos démarches auprès du Tribunal administratif du travail (TAT) ou du Tribunal administratif du Québec (TAQ) suivant un accident de la route ou du travail ou une invalidité ?
Le TAT a récemment répondu par la négative à cette question. En effet, le Tribunal invoque deux principaux arguments pour justifier sa position : la non-applicabilité des droits de l’inculpé selon la Charte canadienne des droits et libertés et le droit des parties d’être entendues.
Plus précisément, le TAT estime que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable, fondement de l’arrêt Jordan, n’est pas applicable puisqu’en droit administratif, il n’y a pas d’inculpé comme en droit pénal et criminel. Ce faisant, on ne peut pas appliquer les droits particuliers protégeant les inculpés à des situations en droit administratif comme des dossiers SAAQ, CNESST ou RQ.
Ensuite, le TAT reconnaît que les délais du processus administratif puissent être longs, mais qu’ils sont généralement dus à des remises, à l’attente d’une nouvelle expertise ou d’une nouvelle décision, c’est-à-dire à des étapes essentielles à l’équité de l’audience (pour que chaque partie puisse faire valoir ses arguments).
Le TAT semble tout de même indiquer que dans des cas d’iniquité flagrante découlant d’un délai excessif, le Tribunal pourrait à tout le moins s’inspirer de l’arrêt Jordan pour trouver un remède approprié. L’accidenté devrait toutefois alors fournir une preuve d’un préjudice important comme une impossibilité de faire valoir ses droits en raison des délais.
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