Le processus entourant le droit aux indemnités découlant de l’incapacité à travailler suite à un accident d’automobile est des plus complexes. Les personnes victimes d’un accident sont souvent plongées dans l’incertitude quant à leur droit à recevoir une indemnité de remplacement de revenu, ou encore ils craignent qu’on y mette fin de façon inattendue. Dans le cas des gens habitués à travailler à temps plein avant l’accident, il est facile de comprendre que cette précarité est loin d’être agréable. Cette infolettre se veut un survol rapide du processus décisionnel et administratif en lien avec l’incapacité. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il est impossible, sans surprise, de passer en revue toutes les dispositions pertinentes en quelques lignes !

Prenons l’exemple fictif d’une personne qui travaillait à temps plein avant d’être victime d’un accident d’automobile. Si elle devient alors incapable de reprendre son emploi, elle recevra l’indemnité de remplacement de revenu à partir de la semaine suivant l’accident. On considère souvent à ce moment que la personne est en incapacité totale temporaire puisqu’elle nécessite des traitements afin de l’aider à guérir et pour devenir à nouveau fonctionnelle dans la vie de tous les jours. Sous les recommandations d’un médecin, la personne commence alors les traitements appropriés reliés aux blessures subies (orthopédiques, psychologiques ou autres). En principe, le droit à l’indemnité de remplacement de revenu n’est pas interrompu durant cette période afin que la personne se concentre sur sa guérison. L’incapacité totale temporaire peut alors durer quelques semaines, quelques mois, voire des années, dépendant de la gravité des blessures.

Vient un certain moment où la personne atteint ce qu’on appelle la consolidation de ses blessures. Cela veut dire que les traitements n’arrivent plus à améliorer l’état de santé. Il est possible que ce soit parce que la personne est simplement guérie, mais il se peut également qu’un plateau soit atteint sans possibilité raisonnable d’amélioration dans le futur. C’est à ce moment que la SAAQ a l’obligation légale de se prononcer sur l’existence de séquelles permanentes en rendant une décision écrite. Lorsqu’une telle atteinte permanente est présente, il est fréquent que des limitations fonctionnelles en découlent.

S’il n’y a aucune séquelle ou que ces dernières sont compatibles avec les exigences de l’emploi, le droit à l’indemnité de remplacement de revenu s’éteint. Il est important de signaler ici que la SAAQ doit alors rendre une décision écrite et transmise par courrier. Si vous considérez que vous n’êtes pas en mesure de reprendre votre emploi réel, il faut en demander la révision.

Si, au contraire, la SAAQ considère que les limitations fonctionnelles reconnues rendent l’exercice de l’emploi réel impossible, la pleine indemnité de remplacement de revenu se poursuit et la réadaptation professionnelle prévue à l’article 83.7 de la Loi sur l’assurance automobile commence. On entend par réadaptation professionnelle un processus qui vise à faciliter le retour sur le marché du travail. Pour encadrer le tout, la SAAQ a émis de nombreuses directives suivies par les conseillers en réadaptation et les agents d’indemnisation. Le conseiller peut décider de fournir des services élaborés (orientation, stages, études payées) comme il peut opter pour une fermeture rapide du dossier, dépendamment des faits.

Suite à ce processus, la SAAQ applique l’article 46 de la Loi sur l’assurance automobile. L’agent doit alors arrêter son choix sur ce qu’on nomme un emploi déterminé qui serait moins exigeant que l’emploi réel et qui permettrait, en théorie, à la personne victime d’un accident de finalement retourner sur le marché du travail. L’emploi déterminé doit absolument tenir compte de certains critères comme la formation, l’expérience de travail, les capacités physiques ou psychologiques et, s’il y a lieu, les connaissances et habiletés acquises en réadaptation. Encore une fois, cette détermination doit être couchée sur papier et transmise à la personne concernée. Il faut donc en demander la révision s’il existe un désaccord sur le titre de l’emploi ou la date de détermination.

Mentionnons également qu’une personne n’a jamais l’obligation d’exercer l’emploi déterminé, personne ne peut la contraindre. Dans les faits, la majorité des personnes accidentées n’exerceront jamais l’emploi choisi lorsqu’il y a application de l’article 46.

Une fois la décision rendue, la pleine indemnité de remplacement de revenu est prolongée d’une année additionnelle, c’est ce qu’on appelle l’année de recherche d’emploi (article 49, paragraphe 4 de la Loi).

Après l’année écoulée, la SAAQ calcule la différence entre la pleine indemnité de remplacement de revenu et les revenus fictifs découlant de l’emploi déterminé. Cette soustraction amène comme résultat la rente résiduelle. Il faut y voir une tentative de compensation financière pour les pertes futures découlant de l’accident d’automobile.

Dans certains cas, la SAAQ n’est pas ne mesure d’identifier un emploi respectant les dispositions de l’article 46 de la Loi. Cela peut découler de la gravité des limitations fonctionnelles présentes, ou encore de d’autres facteurs, comme une faible scolarité et une expérience de travail limitée. Il s’agit alors des seuls cas où les personnes accidentées auront droit à une pleine indemnité de remplacement de revenu jusqu’à leurs 65 ans. On comprendra que la SAAQ étant gérée comme une compagnie d’assurance privée, cette option n’est retenue qu’en dernier recours afin d’éviter les coûts pour le régime en découlant. Il est également souvent nécessaire de contester les décisions et avoir gain de cause devant les tribunaux administratifs avant de parvenir à ce résultat.

En somme, il ressort du processus actuel d’indemnisation que l’invalidité complète et permanente demeure l’exception. On peut difficilement être en désaccord avec les objectifs d’aide au retour au travail et de pérennité économique du système en place. Il n’en demeure pas moins important que les personnes accidentées soient informées de leurs droits et de l’existence de dispositions légales empêchant l’arbitraire et obligeant la SAAQ à faire une bonne analyse du dossier avant de couper les indemnités.

Rédigée par Renaud Gauthier, avocat

L’information contenue dans cette infolettre peut être de nature juridique, mais ne constitue pas un avis juridique.