Par Arnaud Anderson, stagiaire en droit
L’algodystrophie réflexe ou le syndrome douloureux régional complexe est une maladie méconnue. Il s’agit d’une douleur neuropathique chronique faisant suite à des lésions des tissus mous, à une lésion osseuse (type I) ou à une lésion nerveuse (type II) souvent au niveau des mains ou des pieds. Cette douleur persiste en intensité et en durée dans des proportions démesurées par rapport à la lésion tissulaire de départ. Ainsi, un traumatisme aux extrémités va souvent déclencher cette réaction du système nerveux central et périphérique va occasionner des symptômes tels que la décoloration du membre (blanc ou mauve) et une variation de température (chaud ou froid). Il s’agit donc d’une sorte de « court-circuit » du circuit neurologique qui implique les fibres nerveuses sensitives. Cela a pour effet de produire une douleur permanente ayant des répercussions au cerveau et d’engendrer au travailleur ou à la travailleuse une douleur sévère et handicapante.
Comment la CNESST procède-t-elle lorsque vient le temps d’indemniser cette blessure particulière? On se rappelle que le barème des dommages corporels est en vigueur au Québec depuis le 1er octobre 1987. Ce barème fournit les règles de base pour l’évaluation médicale des travailleurs et travailleuses victimes d’une lésion professionnelle dont ils conservent une atteinte permanente à leur intégrité physique ou psychique. Néanmoins, le SRDC en question ici n’est pas prévu directement au barème. Dans la majorité des cas, lorsqu’un médecin veut quantifier les séquelles, ce dernier se réfère au barème par rapport au problème organique. Ainsi, si vous avez une atteinte au membre supérieur gauche, il ira plutôt documenter les difficultés de mouvement au niveau de l’épaule, par exemple, 2 % pour une atteinte des tissus mous et les degrés de limitation. Toutefois, il est prévu qu’il est possible d’aller par analogie lorsque le barème est silencieux sur une maladie.
C’est ce qui s’est produit dans la décision Fleurette Jean-Louis, Aliments Multibar et CNESST (Jean-Louis et Aliments Multibar inc., 2021 QCTAT 2674 (CanLII)). Le Tribunal se devait de décider de la meilleure façon d’indemniser la travailleuse et se voyait effectivement confronté à une première thèse qui prévoyait un déficit anatomophysiologique (DAP) en fonction d’une analogie aux tissus mous versus une deuxième thèse basée sur une analogie au système nerveux central. La décision prise par le Tribunal est venue trancher entre les deux écoles de pensées et retient heureusement et de façon plus favorable, la thèse que la travailleuse devait être indemnisée sur la base du syndrome cérébral organique. Ainsi, vous comprendrez qu’il y a ici eu une distinction majeure entre la première thèse qui prévoyait une atteinte permanente de 29,05 % (dont 6,05% pour douleurs et perte de jouissance de vie) versus la deuxième thèse basée sur une analogie au système nerveux central qui elle prévoyait une atteinte permanente de 60,75 % (DAP de 45% et 15,75 % pour douleurs et perte de jouissance de vie).
Si vous souffrez de cette maladie est que vous constatez que l’indemnisation est minime, prenez connaissance de cette décision. Peut-être que vous vous retrouvez dans la même situation et que le barème n’est pas bien appliqué à votre dossier.