Par Me Sophie Mongeon
Saviez-vous que :
En principe, un travailleur syndiqué ne peut soumettre par lui-même un grief à l’arbitrage. En effet, ce sont les associations syndicales qui détiennent le pouvoir exclusif d’exercer tous les recours que la convention collective accorde à chacun des salariés qu’elle représente (et ce, sans avoir à justifier d’une cession de créance de l’intéressé).
Ce pouvoir, octroyé aux associations par l’article 69 du Code du Travail (ci-après « Code »), est toutefois contrebalancé par une importante responsabilité. En effet, l’article 47.2 du Code prévoit qu’une association se doit d’exercer une représentation exempte de mauvaise foi, de discrimination ou de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans l’unité de négociation qu’elle représente, et ce, peu importe que ces salariés soient membres ou non.
L’article 47.3 du Code prévoit qu’un salarié victime d’un renvoi, d’une mesure disciplinaire ou de harcèlement psychologique peut porter plainte et demander par écrit au Tribunal administratif du Travail d’ordonner que sa réclamation soit déférée à l’arbitrage si ce dernier estime que son association a violé son devoir de juste représentation prévue à l’article 47.2. Le salarié dispose d’un délai de 6 mois pour déposer sa plainte à partir du moment où il prend connaissance du comportement de l’association dont il désire se plaindre (article 47.5 du Code).
Il est important de rappeler que la Loi sur les normes du travail prévoit à son article 81.19 que tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique où son employeur prend tous les moyens raisonnables pour le prévenir (et le faire cesser lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance). Cette obligation de l’employeur fait partie intégrante de toute convention collective (compte tenu des adaptations nécessaires) et le salarié doit donc exercer les recours qui y sont prévus (81.20 L.n.t.).
Ainsi, lorsque vous êtes syndiqué, la première étape à suivre si vous êtes victime de harcèlement psychologique, c’est d’aller voir votre représentant syndical pour lui faire part de votre situation. Il a, en principe, une obligation d’enquêter et de procéder à un examen sérieux du dossier (pas uniquement une rencontre de 10 minutes, par exemple), particulièrement si les faits sont importants, crédibles et engendrent des conséquences. À ce stade, ce n’est pas au syndicat de décider si la plainte est recevable ou non, mais il se doit néanmoins de faire une enquête avant de prendre une décision.
C’est ce que le juge du Tribunal administratif du travail est venu déclarer dans la décision Lahlou c. Association des salariés de l’entretien technique du Hilton Garden Montréal Centre-ville (2021 QCTAT 1073). En effet, dans ce dossier, le plaignant était allé voir son syndicat et lui avait déclaré être victime de harcèlement psychologique. Le rôle du Tribunal ici n’était pas d’évaluer si le plaignant avait été victime de harcèlement (étant donné qu’il revient ultimement à un arbitre de griefs de trancher cette question) mais bien d’évaluer si le syndicat avait exercé une juste représentation. Tous les faits de l’affaire ont porté à croire que non. En effet, le syndicat n’a jamais déposé de grief et a refusé d’effectuer une enquête sérieuse de la situation, et ce, malgré l’importance de cette dernière et le fait que les prétentions du travailleur n’étaient pas frivoles et dénuées de fondement. Le Tribunal a donc conclu qu’il revenait au syndicat de défendre l’un de ses membres qui prétend être victime de harcèlement psychologique et que cela fait partie intégrante de son devoir de représentation. En conséquence, le travailleur a pu choisir de se faire représenter par un procureur de son choix, et ce, aux frais du syndicat.
Si vous vous retrouvez dans une de ces situations, n’hésitez pas à prendre contact avec nous!