Vous avez sûrement vu les deux reportages de l’émission La Facture, datés du 4 février 2020 et du 16 février 2021 où il était exposé que lorsqu’un prestataire de rente d’invalidité fait sa demande de rente de retraite à 65 ans, il peut être pénalisé jusqu’à 36 %. Qu’est-ce que cela signifie ?
En principe, Retraite Québec a comme objectif de vous garantir uniquement revenu de retraite. Il y a plusieurs autres rentes qui existent, soit la rente de conjoint survivant, la rente d’invalidité, l’allocation pour enfants handicapés, etc.
La Loi sur le régime de rentes du Québec prévoit qu’une personne a l’option de prendre sa rente de retraite à compter de 60 ans ou d’attendre à compter de 65 ans. Toutefois, lorsqu’une personne choisit de prendre sa retraite avant l’âge de 65 ans, l’article 120.1(1) de la loi prévoit que 0,5 % de la rente de retraite pour tous les mois que cette personne prend sa retraite sera amputé à l’âge de 65 ans. Mais, vous comprendrez que c’est un choix personnel ! C’est comme si vous décidiez d’encaisser un REER, alors que vous avez toujours des revenus. Il y a des pénalités et les impôts seront supplémentaires.
Cependant, l’article 120.2. de la Loi prévoit également cette pénalité aux prestataires d’invalidité. Or, pour ces derniers il ne s’agit pas d’un choix, car les rentes d’invalidité leur sont imposés par leur état de santé. En effet, puisqu’ils souffrent de maladie, de handicap, bref, d’une invalidité, ces personnes sont obligées de prendre des rentes d’invalidité. D’ailleurs, même lorsqu’une personne dispose d’une assurance en invalidité, la personne peut se voir obliger de procéder à une demande de rente d’invalidité à la demande de la compagnie d’assurances qui cherche à minimiser ses coûts. Ainsi, il semble injuste que les prestataires d’invalidité reçoivent la même pénalité que ceux qui choisissent de prendre leur préretraite volontairement.
Cette injustice sera d’ailleurs invoquée devant le Tribunal administratif du Québec ce mois-ci par notre équipe, ainsi que d’autres procureurs, accompagnés de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Plus précisément, il sera plaidé que l’article 120.2 est incompatible avec la Charte des droits et libertés de la personne, car il porte atteinte au droit et à la reconnaissance et à l’exercice, sans discrimination au droit à la dignité (article 4) et au droit à des mesures d’assistance financière (article 45) par l’effet combiné de l’âge, du handicap, de la condition sociale et, dans certains cas, du sexe (article 10). La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a d’ailleurs émis un avis en 2017 selon lequel l’article 120.2 est discriminatoire.
Si le Tribunal administratif du Québec arrivait à la conclusion que l’article 120.2 est effectivement discriminatoire et donc incompatible avec la Charte, il pourrait le déclarer inopérant à l’égard des requérants. Le problème est que cette décision s’appliquerait uniquement pour ceux qui ont un dossier pendant devant le tribunal. Ainsi, la disposition continuerait à s’appliquer aux prestataires n’ayant pas contesté la validité de la disposition.
Or, un recours dans ce même sens a été déposé à la Cour supérieure dans le cadre d’une action collective pour tenter de déclarer l’article 120.2 inopérant à l’égard de tous les prestataires d’invalidité qu’ils aient contesté la validité de la disposition devant le Tribunal administratif du Québec ou non. Toutefois, la Cour supérieure vient de rendre une décision qui rejette le recours collectif ou qui en suspend l’application en partie, puisqu’elle juge que le Tribunal administratif du Québec a compétence exclusive pour rendre une décision sur l’invalidité.
Compte tenu de ce qui précède, le mois de septembre sera déterminant pour des milliers de personnes retraitées qui ont été parfois obligées de prendre la rente d’invalidité à la demande de l’aide sociale ou des assurances auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec.
Cette pénalité est un poids financier de plus pour les personnes handicapées et les personnes âgées qui sont déjà dans une situation financière précaire dans une société où le coût de la vie ne cesse d’augmenter et où ils font déjà l’objet de marginalisation à d’autres égards.
Si vous vous retrouvez dans une de ces situations, n’hésitez pas à prendre contact avec nous!