La CSST estime que les invalidités longue durée, qu’elles soient temporaires ou permanentes, font mal à son budget. Elles accapareraient 75% de son budget. Elle veut donc mettre en branle un plan pour économiser et une des mesures sera d’avoir accès aux listes d’attente des hôpitaux pour cibler et ainsi, fort probablement, sanctionner les travailleurs qui retardent leur chirurgie.

On entend par invalidité temporaire la période où un travailleur ne peut effectuer son boulot à cause des conséquences d’un accident de travail. Cette période se veut temporaire puisqu’un jour ou l’autre, tous l’espèrent, il reprendra le travail : le sien ou un adapté à sa condition. Il est vrai que cette période peut être exagérément longue tenant compte des difficultés que rencontrent les Québécois à avoir accès à un médecin de famille, à des examens spécifiques, etc.

On entend par invalidité permanente le constat que fait la CSST qu’un travailleur ne pourra jamais reprendre une activité rémunératrice, ce qui l’oblige à lui verser son indemnité jusqu’à ses 68 ans. La CSST, tous en conviendront, ne fait pas ce constat très fréquemment et le fait uniquement si elle s’y voit contrainte.

Elle peut arriver à cette conclusion si :
– la gravité des conséquences de l’accident est telle qu’aucune possibilité d’occuper un emploi même léger n’est apparente;
– l’état s’est chronicisé et que par exemple, la condition du travailleur ne lui permet pas d’avoir un horaire régulier et que la prestation de travail qu’il pourrait offrir est sujette à la variation de ses douleurs quotidiennes.

Il est important de noter qu’un travailleur de moins de 50 ans se verra rarement octroyer une invalidité permanente à moins de cas exceptionnel.

Elle peut être forcée d’arriver à cette conclusion par l’article 53 de la Loi qui énonce certaines conditions dont notamment l’âge au moment de l’accident ou de la rechute, récidive ou aggravation et la possibilité ou non de reprendre un emploi adapté disponible chez son employeur. Si vous êtes un travailleur d’au moins 55 ans victime d’une maladie professionnelle ou d’une rechute ou un travailleur d’au moins 60 ans victime d’un accident de travail ou d’une rechute de celui-ci, vous aurez droit à un traitement particulier de votre dossier.

En effet, une fois la lésion consolidée, la CSST agira normalement en essayant de trouver un emploi adéquat chez votre employeur, toutefois, si aucun emploi n’est disponible chez celui-ci, la CSST ne déterminera pas de capacité à exercer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail et le travailleur se verra assurer d’avoir son indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ses 68 ans.

La CSST fera donc des efforts importants pour convaincre l’employeur du bénéfice (économique) qu’il ferait si un emploi adapté devenait disponible pour le travailleur accidenté âgé de 55 ou 60 ans.

Étant peu contrainte d’arriver au constat d’invalidité permanente, son pouvoir discrétionnaire étant immense et bien utilisé, on doit donc comprendre que les coûts exorbitants qu’elle dénonce découlent des invalidités temporaires qui durent trop longtemps.

Plutôt que d’aider les travailleurs à avoir accès à une prise en charge rapide et adéquate, la CSST part à la chasse de ceux qui profiteraient du système en retardant leur chirurgie ??? Pourquoi retarder une chirurgie, si celle-ci peut nous procurer un soulagement? Qui, sans raison valable, accepte de souffrir plus longtemps dans le seul but de recevoir ses indemnités plus longtemps? Encore une fois, des préjugés défavorables envers les travailleurs accidentés (cela augure mal), des enquêtes, des fins prématurées d’indemnités, des décisions de capacité à titre punitif, des suspensions d’indemnités en attente de preuve solide, de raison valable de refus de chirurgie. On peut s’attendre à tout. Les travailleurs québécois ne sont-ils pas les clients de la CSST ? Pourquoi les traiter comme des adversaires ? Pourquoi ne pas les aider plutôt que d’investir pour les prendre en défaut ?

Rédigée par Me Martine Desroches

L’information contenue dans cette infolettre peut être de nature juridique, mais ne constitue pas un avis juridique.