Il n’est pas rare, malheureusement, de voir des réclamations pour maladie professionnelle (tendinite, tunnel carpien, amiantose, surdité, etc.) refusées par la CNESST au motif que le travailleur a soumis sa réclamation hors du délai de six (6) mois prescrit par la Loi. Néanmoins, considérant la nature particulière des maladies professionnelles, il est tout de même possible de faire reconnaître un tel diagnostic selon le moment où le travailleur a acquis la connaissance qu’il était porteur d’une maladie professionnelle.
En effet, l’article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles précise que le délai de six mois pour soumettre la réclamation pour maladie professionnelle à la CNESST commence à la date où il est porté à la connaissance du travailleur qu’il est atteint d’une telle maladie. Il est donc possible, pour le travailleur, d’argumenter sur cette date de « connaissance ». Le Tribunal administratif du travail (TAT) a défini cette question du moment de la connaissance de manière large afin de respecter davantage le caractère particulier de la maladie professionnelle : les symptômes s’établissent lentement ou plusieurs examens et suivis sont nécessaires avant d’établir un diagnostic.
Ainsi, il a été retenu que cette connaissance comporte deux éléments : un diagnostic formellement posé par le médecin traitant et une possible relation avec le travail expliquée au travailleur. Sans parler de certitude médicale, le TAT retient toutefois que la connaissance est davantage qu’une simple suspicion, intuition, perception, impression ou croyance par le travailleur. Il doit, au contraire, s’agir d’un processus intellectuel permettant au travailleur de comprendre et établir un tel lien avec le travail et doit même provenir d’une source capable d’expliquer le lien existant.
Par exemple, un travailleur œuvrant comme serveur se fait diagnostiquer une tendinite à l’épaule au début du mois de septembre. Son médecin de famille inscrit alors aux notes qu’il se questionne sur le lien avec le travail et que d’autres examens sont nécessaires. C’est seulement en avril, après les examens, que le médecin confirme la relation en produisant notamment un rapport médical CNESST et en expliquant, tel que le confirment les notes cliniques, au travailleur ce lien. Bien que la CNESST ait d’abord refusé la réclamation au motif de l’expiration du délai de six mois du diagnostic, le TAT a accepté la réclamation en stipulant que le délai de six mois devait commencer en avril seulement, moment où la maladie a été expliquée au travailleur.
Mais que faire lorsqu’un travailleur croit avoir été en contact avec des agents toxiques ou un milieu de travail non conforme, mais qu’aucun diagnostic n’est encore émis ou même aucun symptôme n’est pour le moment détectable ? Par exemple, des cas où des travailleurs sont exposés à de la fibre d’amiante ou des radiations ionisantes dans le cadre de leur emploi pourraient ne jamais développer de maladie ou en développer une seulement une dizaine d’années plus tard. Bien qu’en l’absence de diagnostic la CNESST ne pourra pas se prononcer, il est important de dénoncer la situation immédiatement et la documenter. Ceci éviterait, par exemple, la perte de « preuves » suivant la fermeture de l’entreprise des années plus tard ou des changements majeurs du milieu réglant l’exposition subie. Pour ce faire, il peut être utile de faire une dénonciation à la CNESST pour un aspect prévention et tenter d’obtenir la visite d’un inspecteur de leur service. Autrement, si on vous refuse l’inspection, vous pouvez aussi faire une réclamation « préventive » afin que votre exposition soit documentée et inscrite évitant peut-être plus tard un refus pour hors délai ou absence d’une preuve d’exposition.
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