Par Stéphanie Hazan, stagiaire en droit
À la suite d’un accident de travail ou d’un accident automobile, il est possible qu’une prescription de marijuana thérapeutique s’avère nécessaire vu les effets bénéfiques de cette médication en comparaison avec d’autres approches thérapeutiques dites plus « classiques » ou « traditionnelles ». Une question se pose : est-ce que ces frais sont remboursables auprès de la CNESST ou de la SAAQ dans le cadre du traitement des douleurs chroniques suite à un accident de la route ou du travail ? Fait surprenant, une étude de la jurisprudence à ce sujet permet de conclure que vous pouvez réclamer ces frais à la CNESST, mais non à la SAAQ.
En effet, en ce qui concerne la CNESST, il est bien établi que la marijuana peut être un médicament au sens de l’article 189 alinéa 3 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles si elle est prescrite par un médecin et qu’une autorisation de possession est délivrée par Santé Canada.
Dans différentes décisions émanant de la Commission des lésions professionnelles et du Tribunal administratif du travail, les décideurs ont déclaré que les travailleurs avaient le droit au remboursement des frais reliés à l’utilisation de la marijuana à des fins médicales (séchée, en feuilles ou autre). Ces derniers avaient obtenu des cartes de possession valides délivrées par Santé Canada et détenaient une prescription de leurs médecins à cet effet. Bien évidemment, une preuve médicale prépondérante est requise afin de démontrer que le recours à la marijuana a des effets positifs sur le soulagement de la douleur en lien avec l’accident du travailleur en question et que d’autres médicaments ont été essayés, mais sans succès, tels que Cesamet, Lyrica, Sativex ou Celebrex.
Faites attention, vous n’aurez pas droit au remboursement des frais pour l’achat de marijuana obtenue auprès d’une autre source que Santé Canada, indépendamment de sa qualité ou de son efficacité. Il a été décidé que le Club Compassion, par exemple, n’est pas une source d’approvisionnement permise. En effet, la jurisprudence a établi qu’un travailleur doit obtenir la marijuana légalement et selon les trois seules façons possibles décrites au Règlement sur l’accès à la marijuana à des fins médicales, soit par un accès à la marijuana séchée produite par Santé Canada par le biais de l’organisme Prairie Plant Systems Inc., par l’obtention d’une licence de production auprès de Santé Canada ou encore par l’obtention d’une licence auprès de Santé Canada pour désigner quelqu’un qui produit de la marijuana pour un utilisateur. Toute autre source doit être qualifiée d’illégale et ne peut faire l’objet d’aucun remboursement.
En guise de comparaison, le Tribunal administratif du Québec, qui traite des dossiers SAAQ, refuse le remboursement des frais d’achat de cannabis médicalisé. L’accidenté peut démontrer de façon prépondérante que le cannabis médicalisé est le seul remède à sa disposition pour contrer les conséquences négatives subies du fait de l’accident. Autrement dit, il doit prouver qu’il s’agit d’un soin médicalement requis en lien avec l’accident. Toutefois, vu que ces frais ne sont pas compris dans le Règlement sur le remboursement de certains frais, qu’aucune disposition de la Loi sur l’assurance automobile ne prévoit le cannabis médicalisé à titre de médicament remboursable et que le cannabis n’est pas une substance considérée comme un médicament par Santé Canada parce qu’il ne possède pas de DIN (numéro d’identification d’une drogue), ils ne sont pas couverts par la SAAQ. Dans une décision, il est même mentionné que :
« Le Tribunal administratif du Québec fait partie de l’ordre dit exécutif et ne fait pas partie de l’ordre judiciaire […] La LAA est d’ordre public et doit s’interpréter et être appliquée d’une manière large et libérale, mais pas au point de faire des exceptions discrétionnaires arbitraires pour satisfaire selon son bon plaisir telle ou telle demande d’indemnisation. »
Est-ce que la SAAQ s’enlignera un jour avec la CNESST? Restez à l’affût !
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