Par Me Sophie Mongeon, Journal le Métro, 8 novembre 2017
Un serveur se blesse au travail, la CNESST, devra éventuellement vérifier sa capacité à reprendre son emploi avec les limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle.
La CNESST privilégie bien sûr le retour au même emploi ou du moins un emploi chez le même employeur, mais si ce n’est pas possible, elle devra déterminer un emploi convenable et poursuivre le versement des indemnités pour une période minimale d’un an. Il va sans dire que plus la période se prolonge, plus elle coûte cher à la CNESST et à l’employeur, alors elle opte parfois pour une évaluation du poste par un ergothérapeute qui étudiera chaque mouvement effectué pour vérifier s’il respecte la nouvelle condition de l’accidenté.
Ces démarches me font toujours sourire, j’ai été serveuse pendant mes études. Récemment et par le passé, le Tribunal administratif du travail (TAT) déterminait qu’une serveuse dans une chaîne de restauration rapide pouvait retourner à son emploi après avoir eu une déchirure du ménisque!!!!!!!!!!!!
L’ergothérapeute indiquait que la limitation fonctionnelle de ne pas être debout plus d’une heure consécutive n’était pas respectée pour des raisons bien évidentes, pas plus que celle de ne pas travailler accroupie car les boissons, desserts pouvaient être dans un frigidaire bas. L’employeur s’est engagé à donner une pause de 10 minutes à chaque heure à la serveuse et à lui fournir un balai et porte-poussière à long manche pour qu’elle n’ait plus à s’accroupir s’il y avait un dégât à essuyer au sol. Le Tribunal a donc conclu tout comme la CNESST, au grand bonheur de l’employeur qu’elle pouvait reprendre son emploi et qu’on cessait de l’indemniser!!!!!!!!!!!!!
À quel moment de la journée l’ergothérapeute a-t-elle fait son évaluation? En pleine heure d’affluence, croyez-vous vraiment qu’on puisse s’asseoir 10 minutes? Si un client échappe sa fourchette, croyez-vous qu’on puisse lui répondre un instant je vais chercher mon truc à long manche? Savez-vous combien d’ustensiles, de pailles, de morceaux de pain, de napperons de papier, de serviettes de table, de nourriture et de liquide sont échappés par jour?
Le Tribunal est d’avis que l’expression « éviter de faire » n’implique pas une interdiction totale de poser le geste indiqué, mais davantage le fait que la personne doive tenter de s’abstenir ou se soustraire le plus possible d’exécuter ce geste. Franchement, vous connaissez un restaurateur qui acceptera ça?
Pourquoi la version de l’employeur prime sur celle de la serveuse, alors que l’employeur a tout à gagner à faire des promesses? L’emploi de serveur est un emploi très exigeant physiquement et très précaire. Nos tribunaux, semble-t-il n’ont jamais eu à l’exercer!