La Cour Supérieure vient de rendre une décision importante. En effet, les proches des accidentés de la route peuvent également être considérés comme des victimes, on les appelle les victimes par ricochet.

Selon la Loi sur l’assurance automobile, une victime d’accident est une personne qui subit un préjudice corporel dans un accident. On entend par préjudice corporel, une atteinte physique ou psychique. On parle d’un préjudice causé par une automobile, son usage ou son chargement. Nulle part dans la Loi il n’est écrit que pour être victime il doit y avoir un impact entre la personne et un véhicule et/ou son chargement. C’est pourtant l’image que nous avons tous lorsqu’on parle d’accident et c’est aussi l’image et la définition courante retenue depuis de nombreuses années par les différents intervenants, qu’ils soient agents d’indemnisation, médecins de famille ou médecins évaluateurs ou même juges administratifs. Il s’agit d’une interprétation courante.

Selon la même Loi, la personne qui a droit à une indemnité de décès, lorsque le décès de la victime résulte de l’accident, est également réputée être une victime. Donc, si votre conjoint ou votre fils meurt des conséquences d’un accident de la route, vous avez droit à une indemnité et la Loi fait de vous aussi une victime. Il s’agit d’une seconde catégorie de victime, les victimes par ricochet.

On doit comprendre qu’en plus de la Loi, il existe des notes et directives internes à la SAAQ comme dans la majorité des organismes gouvernementaux. Ces notes et directives sont des explications souvent imagées par des cas fictifs pour favoriser la compréhension de la Loi et tracer une ligne de conduite pour les agents décideurs. Ces notes et directives n’ont cependant pas de valeur légale, elles sont un outil de travail.

Dans ces notes, que tous n’ont pas lues, la notion de victime par ricochet existe. Elle permet à la SAAQ, depuis 1989, de rembourser des traitements psychologiques au conjoint, parent, enfant, frère, sœur de la victime. Avant la toute récente décision de la Cour Supérieure, c’est tout ce à quoi une victime par ricochet était en droit de recevoir.

Le juge Mongeon de la Cour Supérieure conclut que le juge Ouellette du Tribunal administratif n’avait pas rendu de décision déraisonnable en décidant que la SAAQ doit indemniser complètement toute personne qui reçoit une indemnité de décès, même si elle n’a pas été impliquée dans l’accident, dans la mesure où elle a subi un préjudice résultant directement de l’accident.

Son statut de victime, par la Loi, lui permet de recevoir non seulement le remboursement de traitements, mais une indemnité de remplacement du revenu si elle est dans l’incapacité de travailler à cause du syndrome de stress post-traumatique subi. Éventuellement, elle pourrait avoir droit à la reconnaissance de séquelles permanentes, ce qui lui donnerait droit à une somme forfaitaire, au remboursement de sa médication et de son kilométrage et, enfin, elle aurait droit à tout bénéfice prévu à la Loi au même titre que les victimes impliquées directement dans l’accident.

Les deux juges nous rappellent que la Loi sur l’assurance automobile a eu pour effet d’éliminer tout droit de recours devant les tribunaux civils. La Loi sur l’assurance automobile doit recevoir une interprétation large et libérale.

Il s’agit donc d’une excellente nouvelle pour tous les proches d’une victime décédée dans un accident. Ils pourront recevoir de l’aide thérapeutique et être indemnisés. Reste à voir comment cette décision sera appliquée à l’avenir. Plusieurs questions nous viennent déjà à l’esprit.

Par exemple, tenant compte que la conjointe et les enfants mineurs d’un individu décédé dans une collision ont droit à une prestation de décès, ces derniers auraient aussi droit au remboursement de traitements psychologiques et à l’indemnité de remplacement du revenu s’il y a perte de revenu. Ils sont des victimes par ricochet. Si la sœur de cette même victime décédée a été témoin de l’accident, étant à l’intersection où l’accident s’est produit, elle aurait en principe droit aux traitements psychologiques tels que suggérés aux notes et directives mais pas à l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’elle n’a pas droit à l’indemnité de décès. La SAAQ statuera-t-elle sur un nombre limité de victimes par ricochet ?

Chose certaine, le préjudice allégué par les victimes par ricochet sera étudié sous la loupe par la SAAQ car elle a toujours le droit de refuser la relation entre un diagnostic et l’accident. Nous verrons probablement apparaître différentes décisions au fil du temps portant sur le refus de relation d’un diagnostic quelconque avec l’accident, sur la durée d’incapacité reliée à ce diagnostic, sur la nécessité de traitements, sur le fait qu’il y avait une condition personnelle préexistante, que l’état n’est pas suffisamment important pour lui reconnaître un statut de séquelles permanentes, etc.

Alors, bien que cette décision de la Cour Supérieure est, en soi, une bonne nouvelle, son application apportera son lot de complications et de contestations comme pour les victimes directement impliquées dans un accident.

Société de l’assurance-automobile du Québec c. Tribunal administratif du Québec et J.H., 2010 QCCS 4924

ADDENDUM

La SAAQ a réagi à la décision de la Cour Supérieure en abolissant le second paragraphe de l’article 6 de la Loi. La présomption de victime s’appliquant à la personne qui a droit à une indemnité de décès n’existe plus. Cela a pour effet de réduire la possibilité d’obtenir une indemnité de remplacement du revenu, une somme forfaitaire pour les séquelles, etc., aux personnes ayant subi un préjudice corporel uniquement. Toute personne ayant droit à une indemnité de décès, soit le conjoint, les enfants, les parents ou personnes à charge pourra encore, à ce jour, obtenir le remboursement de traitements psychologiques mais sans plus.

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