L’avènement de Facebook est très récent ; il y a à peine dix ans, personne ne connaissait ce site Internet. Pourtant, sa popularité s’avère aujourd’hui indiscutable. Le site Facebook rapporte l’existence de plus de 500 millions d’utilisateurs à travers le monde et la moitié de ceux-ci se connectent à leur compte tous les jours. Au Québec, un sondage de la maison SOM datant de 2009 conclut qu’un adulte sur quatre (26%) est abonné au site, ce qui représente plus de 1.5 million d’utilisateurs.
Facebook est un réseau social sur Internet permettant aux utilisateurs d’interagir avec les autres et d’indiquer sur un profil individuel une panoplie d’informations à caractère personnel comme son état civil, son emploi présent ou ses emplois occupés par le passé, son parcours académique, ses divers intérêts, etc. Ce site offre également la possibilité de rendre accessibles des documents multimédias tels que des photos ou des vidéos et d’émettre des commentaires sur ses activités quotidiennes. Ces informations sont disponibles à un nombre de personnes plus ou moins important, selon les critères de confidentialité retenus par l’utilisateur. Il existe trois options de confidentialité : la première permet à tout le monde de voir le profil, la seconde permet uniquement la visualisation du profil à certaines personnes choisies par l’utilisateur (« amis seulement ») et la troisième permet, en plus des personnes choisies, que leurs amis aient accès au profil (« amis des amis »).
Dès lors qu’une quantité aussi importante d’informations est disponible en quelques clics sur l’Internet, il va sans dire que des employeurs ou des organismes publics comme la CSST ou la SAAQ engagés dans un litige relatif à un accident de travail ou de la route peuvent manifester un intérêt marqué quant au contenu de ce que l’accidenté a indiqué dans son profil individuel. Dans certains cas, Facebook permet d’obtenir encore plus d’informations que ce qui serait normalement disponible par le biais des méthodes conventionnelles utilisées par des enquêteurs. Il n’est pas de pratique courante que ceux-ci pénètrent à l’intérieur d’un domicile privé pour observer l’accidenté. Toutefois, il arrive fréquemment que des utilisateurs de Facebook indiquent quotidiennement sur le site toutes les activités réalisées dans des lieux privés, le tout avec photos et vidéos à l’appui. Ce faisant, ils rendent facilement accessible de l’information qu’il serait impossible d’obtenir autrement. De plus, les enquêtes conventionnelles sont souvent limitées à quelques jours, tandis qu’il est possible sur Facebook d’avoir une information s’échelonnant sur une période beaucoup plus longue, dépendamment de l’information divulguée par l’utilisateur. Cette information peut, par ailleurs, remonter significativement dans le temps.
La question est donc de savoir si cette information peut être utilisée dans le cadre d’un procès devant la Commission des lésions professionnelles (CLP) ou devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ) ?
Les tribunaux ont généralement permis la divulgation des informations disponibles sur Facebook, pour autant qu’elles soient pertinentes au litige. Dans une décision de la CLP rendue récemment (Landry et Provigo Québec inc.), il a été décidé que l’information disponible sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé en raison de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte, ce qui met en échec l’application des Chartes. D’après les faits particuliers de cette affaire, la personne avait choisi, dans ses paramètres de confidentialité, de permettre l’accès à son profil à ses amis, mais également aux amis de ses amis. La CLP indique alors que la liste peut s’allonger presque à l’infini. On peut toutefois fortement s’interroger quant à savoir si la décision aurait été la même advenant que les paramètres de confidentialité restreindraient uniquement aux amis l’accès du contenu du profil Facebook.
Il est intéressant de noter que l’accidenté peut également bénéficier des éléments de preuve obtenus par Facebook pour, entre autres, renforcer la crédibilité de son témoignage. Dans la décision de la CLP mentionnée précédemment, une travailleuse soumet qu’elle a été victime de harcèlement au travail et dépose, pour appuyer ses dires, un extrait d’un compte Facebook contenant des commentaires faits par des collègues de travail. La CLP a jugé que cette preuve était admissible.
En terminant, soulignons que malgré l’admissibilité d’une preuve provenant de Facebook, le tribunal doit apprécier la crédibilité d’une telle preuve au même titre que n’importe quel autre élément qui lui est soumis. Qui plus est, on peut fortement s’interroger sur la valeur que doit accorder le tribunal à des documents multimédias lorsqu’ils sont utilisés pour faire un contrepoids à des expertises médicales bien étayées. Dans la décision Brisindi et S.T.M, la preuve Facebook soumise à la CLP révèle que le réclamant, alors en arrêt de travail, était un sportif accompli de haut niveau qui participait à des compétitions très exigeantes et qui obtenait de très bons résultats. Les cas aussi évidents sont rares et c’est pourquoi il est fondamental que l’utilisation de la preuve Facebook pour décider du diagnostic approprié soit fort limitée.
Les accidentés devront cependant être prudents puisque, tel qu’indiqué par la CLP, la preuve Facebook a été parfois déterminante dans l’évaluation de la crédibilité ou pour réfuter un témoignage.
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