Attendre, il n’y a rien de plus difficile. Attendre pour un quand, un quoi, un comment. Cette attente est d’autant plus frustrante si l’on doit aussi patienter après la justice et l’administration d’une décision qui peut changer des vies. Vos vies. Et malheureusement, c’est de moins en moins rare. Je suis avocate depuis plus de 20 ans et je n’ai jamais autant attendu !
On attend par exemple le retour d’appel d’un agent d’indemnisation de l’organisme étatique qui, en principe, a l’obligation de le faire dans les 48 heures : alors on attend. 48 heures plus tard, l’appel tant entendu ne vient pas ou il est manqué.
On doit aussi attendre les décisions d’admissibilité des dossiers permettant ainsi l’indemnisation des victimes. Ainsi, la Loi à laquelle est soumise la CNESST prévoit que l’employeur doit payer les 14 premiers jours de salaire et l’organisme prend ensuite la relève. Mais malheureusement, la décision accordant ce droit se fait attendre : un mois, deux mois et même des fois six mois pour l’obtenir et confirmer la réception des indemnités pour la personne accidentée. Processus et problème similaires pour les dossiers IVAC : attendre des décisions et des suivis qui tardent à arriver.
Si une décision est négative, on n’est pas au bout de nos peines ! On doit alors patienter à nouveau des semaines pour que le dossier soit transféré et assigné à un agent réviseur. Ensuite, on attend trois ou quatre mois, et parfois plus, pour l’obtention et la réception de la décision révisée ; décision qui, la plupart du temps, est identique à celle rendue en première instance. Bref, on attend donc une décision négative pendant plusieurs mois !
Les décisions révisées émanant notamment de l’IVAC sont ensuite portées en appel au Tribunal administratif du Québec (TAQ) et l’attente se poursuit. Tenez-vous bien : à compter de la réception de la requête au TAQ, on doit compter environ 27 mois pour obtenir une date d’audience. Oui, vous m’avez bien lue ! 27 mois avant de pouvoir être entendus et trois mois supplémentaires pour qu’une décision finale soit rendue par le juge administratif ! Plus de deux ans d’attente avant que les victimes puissent raconter leurs histoires, leurs besoins et leur détresse ; deux ans avant de pouvoir penser obtenir, non pas des millions, mais une juste compensation. Plus de deux ans pour livrer littéralement le combat d’une vie !
Pendant tout ce temps, les gens sont souvent sans revenus, des familles sont brisées, des maisons et des biens vendus ou saisis. Plus de deux ans plus tard, ces vies sont bien souvent à rebâtir.
Heureusement, il y a la conciliation qui est une étape préliminaire qui permet de tenter d’arriver à un règlement avec les organismes. Une date pour la conciliation peut, quant à elle, être offerte dans les six mois. Pas si pire, me direz-vous. Le « hic » c’est que les avocats de l’État connaissent très bien ces délais : des règlements à rabais sont proposés et acceptés pour éviter d’attendre, mais surtout pour éviter le pire pour la famille.
Pourtant, ces lois administratives et sociales ont été mises sur pied pour que le citoyen ait accès à la justice dans un délai raisonnable et en toute simplicité. À mon avis, il y a loin de la coupe aux lèvres sur cet aspect ! Va-t-on (encore) attendre que ça change ? Il est plus que temps qu’il y ait une réforme de toutes ces lois sociales et d’indemnisation publique (CNESST, IVAC, SAAQ et Retraite Québec) afin de retrouver leur sens premier et voulu : favoriser une vraie accessibilité à la justice dans un délai raisonnable et à des coûts raisonnables. Cessons de s’attendre à attendre !
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