Depuis la création de la Loi sur l’assurance automobile au Québec, la SAAQ s’occupe d’indemniser les victimes d’un accident d’automobile. Les pouvoirs de l’organisme public sont encadrés par le fameux «no fault» qui fait en sorte qu’il n’est pas possible de poursuivre le ou les responsables de l’accident devant les tribunaux de droit commun. Il faut donc se contenter du versement des indemnités prévues à la Loi. Cette approche a l’avantage de favoriser l’indemnisation des victimes en leur évitant d’intenter un long et couteux procès avec des résultats parfois incertains. Reste qu’il est vrai que les indemnités versées par la SAAQ ne représentent qu’une fraction de ce qu’il serait possible d’obtenir avec une poursuite en dommages-intérêts.
C’est donc pourquoi les tribunaux ont été appelés à plusieurs reprises à définir ce qui constitue un accident versus ce qui n’en est pas un afin de déterminer si la Loi sur l’assurance automobile trouve application. Le dossier de la ville de Wesmount c. Rossy qui s’est rendu récemment devant la Cour Suprême du Canada en est un bon exemple.
Il s’agit d’une histoire tragique : M. Rossy circulait dans une rue de la ville de Westmount durant l’été 2006 lorsqu’une branche d’un arbre est tombée sur sa voiture, le tuant sur le coup. La famille du défunt a donc décidé de poursuivre la ville en dommages-intérêts, alléguant qu’elle était responsable du mauvais entretien des arbres sur son territoire. Westmount a rétorqué qu’il s’agissait d’un accident d’automobile et qu’aucune poursuite ne pouvait donc être faite à son encontre.
Le dossier s’est donc retrouvé devant la Cour supérieure, qui a tranché en faveur de la ville de Westmount. Par la suite, la Cour d’appel a plutôt considéré qu’il ne s’agissait pas d’un accident d’automobile au sens de la loi provinciale. Les parties ont donc sollicité l’avis de la Cour suprême du Canada pour un avis final.
Le plus haut tribunal du pays a parlé : il faut donner une interprétation large à la loi sur l’assurance automobile et par conséquent, le décès de M. Rossy découle d’un accident d’automobile indemnisable uniquement par la SAAQ. Le juge Lebel écrit :
« S’il est vrai que l’automobile était possiblement stationnaire ou en train de traverser un carrefour, selon la preuve au dossier, M. Rossy l’utilisait comme moyen de transport lorsque l’accident est survenu. Cela suffit pour conclure que le préjudice est le résultat d’un « accident » au sens de la Loi et que, dès lors, le droit à une indemnité sans égard à la responsabilité prévue par le régime s’applique. »
On peut comprendre la déception de la famille qui se battait depuis plus de cinq ans afin qu’on lui donne le droit de poursuivre la ville de Westmount. Cependant, cette interprétation donnée par la Cour Suprême pourra être utile dans le futur afin d’éviter que la SAAQ applique sa loi de façon trop restrictive. Il est donc très important de garder à l’esprit que la définition d’un accident d’automobile dépasse le sens commun qu’on lui donne habituellement et que les indemnités peuvent être versées dans certains cas particuliers, comme celui de M. Rossy.
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