Par Stéphanie Hazan
Dans une décision récente du Tribunal administratif du Québec, S.M. c. Québec (Société de l’assurance automobile), le requérant a été victime d’un accident automobile le 26 mai 2011 entrainant des diagnostics d’entorse cervicale et d’entorse lombaire. Une demande a été acheminée à la SAAQ pour qu’elle se prononce sur la relation entre des diagnostics d’ordre psychiatriques, retrouvés au dossier médical du requérant, et l’accident. Toutefois, la SAAQ a refusé cette relation en raison spécifiquement du délai d’apparition des symptômes, objet du litige.
Afin de compléter la preuve médicale au dossier, une expertise psychiatrique a été effectuée à la demande du requérant. Le médecin expert a conclu qu’il présentait un état de stress post-traumatique chronique et une dépression majeure en lien avec l’accident et a retenu des séquelles de classe de gravité 3. Par la suite, une contre-expertise psychiatrique a été produite à la demande de la SAAQ. Le psychiatre en question a retenu le diagnostic de trouble d’adaptation chronique de type non spécifié ou de trouble somatoforme douloureux en relation probable avec l’accident d’automobile et a accordé, pour sa part, des séquelles de classe de gravité 2.
Malgré cela, en mai 2015, une psychiatre-conseil a rédigé une note médicale allant à l’encontre des opinions des deux experts. En effet, « elle conclut en l’absence de lien causal entre les lésions psychiques et l’accident du 26 mai 2011 en raison du délai d’apparition, de l’existence d’autres facteurs de stress susceptibles d’entraîner les mêmes symptômes et également en raison du fait que les expertises des psychiatres […] sont incomplètes et non concluantes quant au lien causal ».
Les juges administratifs, après avoir analysé l’ensemble de la preuve médicale au dossier, ont affirmé que le délai d’apparition des symptômes n’excluait pas automatiquement la reconnaissance d’un lien de causalité. En effet, ils indiquent dans la décision ce qui suit :
« Il est vrai que le requérant n’a débuté un suivi psychologique qu’en octobre 2012, toutefois il semble avoir rapporté des symptômes dès janvier 2012, soit 7 mois après l’accident. Cependant, il ne s’agit pas ici d’appliquer machinalement l’évaluation d’un délai.
En effet, le Tribunal considère qu’il est inexact de ne considérer l’apparition des symptômes qu’au moment où le requérant a entrepris son suivi psychologique, ce qui correspond plus à un délai de consultation ou de traitement.
De plus, comme mentionné par le psychiatre, le délai pour établir un diagnostic psychique s’explique souvent par le fait que les personnes souffrant de traumatismes physiques s’occupent d’abord des douleurs physiques espérant que cela finira par soulager les symptômes psychologiques ou psychiatriques.
Le psychiatre souligne aussi que la reprise d’activité comme le travail est susceptible de repousser le délai de prise en charge des problèmes psychiques.
Ainsi, en appliquant les critères d’imputabilité, dans les circonstances particulières du présent dossier, et en considérant la description du fait accidentel, les expertises psychiatriques, les explications quant au délai d’apparition et la prise en charge par un suivi en psychologie et un traitement antidépressif, le Tribunal en arrive à la conclusion d’une relation probable entre une lésion psychique et l’accident d’automobile du 26 mai 2011 ».
Le Tribunal n’a donc pas accordé de valeur probante à la note sur dossier produite par la psychiatre-conseil, laquelle attribue les symptômes du requérant à d’autres conditions personnelles, en n’ayant pas effectué d’examen clinique de ce dernier. Nous sommes d’ailleurs en accord avec cette conclusion. Une note sur dossier ne devrait pas avoir la même force probante qu’une évaluation objective en personne, complète et détaillée, faite par un médecin expert, et ce, malgré le fait qu’une revue du dossier médical de la personne accidentée est effectuée par le médecin-conseil.
Conséquemment, la relation entre le diagnostic de trouble d’adaptation et l’accident a été retenue et le dossier a été retourné à la SAAQ afin qu’elle procède à l’évaluation des séquelles relatives à cette condition.