Après s’être battu pendant de longues périodes de temps (bien souvent de nombreuses années) contre les organismes administratifs comme la SAAQ ou la CSST, il est normal d’avoir bon espoir qu’un tribunal administratif indépendant, comme le Tribunal administratif du Québec ou la Commission des lésions professionnelles, accueille la contestation afin de redresser la situation. Plusieurs recours sont malgré tout rejetés par ces tribunaux. Est-ce nécessairement la fin du combat devant les tribunaux ? En se fiant aux principes administratifs généraux, on doit répondre par l’affirmative. En effet, les décisions rendues sont par définition finales et sans appel. Cependant, peu de gens savent que les différentes lois en vigueur prévoient la possibilité de demander la révision d’une décision rendue par un tribunal administratif dans certains cas particuliers. Cette infolettre tentera de vous présenter ce genre de recours.

La contestation des décisions rendues par les tribunaux administratifs peut être réalisée de deux manières différentes : en demandant une nouvelle audition devant le même tribunal – ce qu’on appelle la révision pour cause – ou encore en portant le recours devant la Cour supérieure du Québec – ce qu’on appelle la révision judiciaire.

• La révision pour cause

La révision pour cause est prévue à l’article 154 de la Loi sur la justice administrative et à l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dépendamment qu’on soit devant le Tribunal administratif du Québec ou la Commission des lésions professionnelles. Ces articles donnent le pouvoir aux tribunaux administratifs de réviser leurs propres décisions, mais uniquement dans certains cas bien précis.

Le premier cas prévoit les situations où l’on découvre un fait nouveau après l’audition devant le tribunal et qui permettrait en théorie de changer la décision. Bien que le principe soit intéressant, il n’en demeure pas moins qu’une telle situation est très rare. Il doit s’agir d’un fait nouveau (on parle ici souvent de preuve documentaire) qui était inconnu au moment de l’audition et qui n’était pas disponible non plus. Il ne faut donc pas y voir une occasion de parfaire sa preuve après avoir échoué devant le tribunal une première fois.

Le deuxième cas concerne le droit d’être entendu, aussi appelé audi alteram partem. On doit alors démontrer, avec des motifs suffisants, que ce droit n’a pas été respecté durant l’audition du Tribunal. Par exemple, il arrive que les avis de convocation ne soient jamais remis aux personnes concernées et qu’elles ne soient donc pas informées de la date de l’audition. Le Tribunal procède alors en leur absence, ce qui leur cause bien évidemment préjudice. Cet argument est définitivement invoqué de façon plus fréquente et est parfois suffisant pour permettre la révision de la première décision du tribunal.

Le dernier cas concerne les vices de fond ou de procédure qui pourraient avoir été commis par le Tribunal en rendant sa décision. Il s’agit de l’argument le plus souvent invoqué et de loin le plus complexe. Sans faire une analyse trop détaillée, mentionnons qu’il faut alors démontrer que le Tribunal a suivi un raisonnement qui n’est pas soutenu par les dispositions légales qu’il doit appliquer ou encore qui contredit directement la preuve qui a été présentée devant lui. Malgré le fait que cet argument soit souvent plaidé au soutien d’une requête en révision pour cause, il ne faut pas croire que le Tribunal accepte fréquemment d’annuler ses propres décisions, bien au contraire. La plupart de ces recours sont rejetés par les tribunaux administratifs qui considèrent qu’il s’agit bien souvent d’une manière déguisée de demander une nouvelle évaluation de la preuve.

Comment procéder si on veut demander la révision pour cause dans son dossier ? Il faut s’adresser au tribunal administratif concerné par requête manuscrite en expliquant les motifs au soutien du recours. Il est également très important de demander une nouvelle audition afin de faire valoir son point de vue. Cette audition sera devant un ou des juges du même tribunal, qui devront rendre une nouvelle décision écrite. Si le recours est accueilli, la décision initiale est généralement annulée. Une nouvelle audition sera donc souvent nécessaire afin de recommencer le processus du début.

• La révision judiciaire

Une partie qui est insatisfaite d’une décision rendue par le Tribunal administratif du Québec ou par la Commission des lésions professionnelles peut également s’adresser à la Cour supérieure. En effet, cette cour de droit commun possède un pouvoir de surveillance sur tous les tribunaux administratifs du Québec. En d’autres termes, s’il est démontré qu’un tribunal a commis des erreurs significatives, la Cour supérieure peut intervenir pour rectifier la situation. Elle doit cependant faire preuve de déférence, ce qui signifie qu’encore une fois, le pouvoir de révision est très encadré et ne s’applique que dans certains cas bien précis. On parle ici principalement d’un dossier où il est démontré que le tribunal administratif a rendu une décision déraisonnable. On a au moins l’avantage de s’adresser à un nouveau tribunal et donc par conséquent à un juge qui ne côtoie pas le ou les premiers décideurs.

Le recours en révision judicaire est sans surprise plus formaliste puisqu’on s’adresse à un tribunal de droit commun. Il faut donc présenter une requête introductive expliquant les motifs soutenant la révision. Les parties seront éventuellement convoquées en audition et pourront faire valoir leur point de vue. Un jugement sera alors rendu pour trancher le litige, en acceptant de révision la décision ou en rejetant le recours.

• Un recours qui vaut la peine ?

Le recours en révision s’avère parfois un moyen efficace d’annuler ou de modifier une décision rendue par les tribunaux administratifs. Il faut cependant garder en tête que rien ne permet de changer le principe général qui indique que les décisions en question sont en principe finales et sans appel. Une analyse des recours intentés dans les dernières années démontre que la plupart des recours en révision sont rejetés, et les décisions initiales des tribunaux confirmées. Malgré tout, certains recours sont quant à eux accueillis et permettent de redresser des situations où de graves injustices pouvaient potentiellement être présentes. Pour se faire une idée claire, consulter un spécialiste juridique demeure toujours une option intéressante.

Dernière considération : Il est important de noter que le délai permettant d’intenter un recours en révision est très court. Il correspond habituellement au délai qui s’applique aux contestations usuelles devant les tribunaux. Vous disposez donc de 45 à 60 jours pour demander une révision pour cause, et uniquement de 30 jours pour demander une révision judiciaire.

L’information contenue dans cette infolettre peut être de nature juridique, mais ne constitue pas un avis juridique.

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